Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CONTRECHAMP

CONTRECHAMP 4 CINÉMA D'ÉMANCIPATION




PROGRAMMATION MARS 2007

RÉCRÉATION

De Claire Simon
France, 1992, 54 min

CONTRECHAMP 4 CINÉMA D'ÉMANCIPATION
Claire Simon a filmé pendant trois mois la cour de récréation d'une école maternelle. Cour des miracles et arènes de gladiateurs. Bagarres et premiers émois. Du western à West Side Story.

« On dirait que c'était des humains qui vivaient dans un royaume... un royaume qui aurait sa propre économie, sa propre hiérarchie sociale, un langage et des codes particuliers. Ses habitants, tous âgés de 3 à 6 ans, seraient les élèves d'une école maternelle du 7è arrondissement de Paris. Pendant plusieurs semaines, Claire Simon a filmé, caméra à l'épaule, un moment spécial de la vie des enfants : la récréation. Moment privilégié où les enfants n'ont plus à se soumettre aux lois "venues d'en haut", celles des grandes personnes, mais inventent les leurs. À la récré, on joue au policier et au prisonnier, à la maman et au papa, les filles ramassent les brindilles des platanes et les garçons discutent déjà pour savoir qui a le plus long... filet de bave (bien sûr). Mais on joue rarement seul et c'est bien ça le problème : jouer avec les autres. Il faut respecter des tours, déterminer les rôles, défendre son territoire, donner des ordres... et croyez-moi c'est pas toujours de la rigolade. Car les autres sont aussi indispensables que dangereux. C'est sans doute ce qui frappe le plus dans Récréations : la violence physique, verbale, et émotionnelle qui règne dans ce petit royaume. La réalisatrice ne s'y est pas trompée, elle qui cite en exergue Spinoza. La maîtrise de soi passe bien sûr par l'apprentissage des règles de vie en société et le contrôle de ses émotions vis-à-vis des autres. Mais c'est dur ! Certaines bagarres enragées pourraient presque inciter le spectateur à qualifier le travail d'observation très neutre et extérieur de la réalisatrice, de non-assistance à personne en danger... C'est en effet le parti pris de l'auteur : ne pas intervenir dans les scènes filmées, ne pas non plus imposer de commentaire. Ayant réduit son dispositif filmique au minimum, Claire Simon parvient plus ou moins à se faire oublier : seuls quelques regards insistants à la caméra viennent lui rappeler qu'elle n'est qu'un intrus au pays des enfants. D'ailleurs, les autres adultes comptent aussi pour du beurre : on entr'aperçoit les dames de ménage à la fin de la récréation, et quant aux maîtresses, on les considère moins comme des personnages à part entière que comme postes gardés près desquels on se réfugie lorsqu'on veut échapper à l'attaque d'un grand. Même si son point de vue reste forcément celui d'un adulte, extérieur, lointain, curieux, Claire Simon a réussi, dans Récréations, à saisir des moments de cruauté et de poésie propres à l'univers enfantin. L’exploit réside surtout dans le fait d'éviter la compilation de petites scènes anecdotiques ou de bons mots d'enfants pour, au contraire, permettre au spectateur, par de longs plans-séquences, de prendre le temps d'entrer ou de retrouver la petite porte du monde imaginaire de l'enfance. »
Laetitia Mikles, Chronic’art

« Quand j’ai fait Récréation, il a été très clair pour moi que c’est la honte qui était le moteur pour faire ce film. J’ai amené ma fille dans cette cour, en me disant "si elle s’en sort là, elle s’en sortira partout". Je regardais le matin les scènes et je revoyais ce qu’on a vécu à la maternelle. Ce que je voyais, c’est qu’enfant, le désir est si fort : je t’aime : tu ne m’aimes pas... on ne veut pas que cela se passe mal. Enfant, j’étais comme les cuisiniers dans Coûte que coûte, j’avais honte que cela se passe mal. Tout le temps on a honte que cela se passe mal. Plus tard, moi, vieille enfant dans la cour, je peux enfin raconter ce dont j’avais honte ! »
Claire Simon, Cinémas croisés

« Que se passe-t-il exactement dans les cours de récréation des écoles maternelles où se retrouvent des enfants de trois à six ans ? "Pour nous, les adultes, la récréation c'est du vacarme, un vacarme joyeux. De loin. Mais si l'on s'approche et qu'on regarde les enfants jouer d'un peu plus près on se souvient très vaguement qu'on était l'esclave d'untel, le bourreau d'un autre. Oh mais c'était pour rire. C'est fini maintenant... Vraiment fini ? Pas sur !" Ils ne sont pas si anodins, les jeux d'enfants dans les cours de récréation. »
Ciné-club de Caen

EN RACHACHANT

De Danièle Huillet et Jean-Marie Straub
France, 1982, 7 min

CONTRECHAMP 4 CINÉMA D'ÉMANCIPATION
D'après le conte "Ah! Ernesto" de Marguerite Duras (1971) • Un petit garcon, têtu et sérieux comme un pape, réalise le rêve de tous les enfants en âge d'aller à l'école primaire : celui de dire une bonne fois pour toutes "merde au professeur".

« Les Straub font exister un texte comme un musicien fait exister une musique à partir d'une partition. Le musicien : de quelle musique cette partition est-elle le texte ? Et les cinéastes : de quoi ce texte est-il le texte, de quelle réalité ? »
Jean-Charles Fitoussi, La lettre du cinéma

"ALLEN STREET No 1, 29TH MAY 1994"

De Beat Streuli
USA, 1985, 10 min

CONTRECHAMP 4 CINÉMA D'ÉMANCIPATION
Beat Streuli enregistre à leur insu les faits et gestes d’adolescents qui se retrouvent dans une cour, lieu de passage et de rencontre ; alors même que le zoom en nous rapprochant des protagonistes favorise un sentiment de proximité émotionnelle et physique, il nous en distancie en faisant osciller notre regard entre observation et indiscrétion.

« Une caméra vidéo et un zoom, la focale réglée une fois pour toutes, un plan fixe, une lumière naturelle contrastée, celle du soleil, un temps imparti, celui de la bande, des passants ou automobilistes filmés à leur insu, voici ce qui rassemble les travaux vidéo dont il est question ici. Les trois bandes intitulées Allen Street filment d’un seul tenant en trois lieux différents et à des dates échelonnées en mai 1994 la vie d’une rue animée de New York située dans le Lower East Side, quartier plutôt défavorisé : le 24 mai, un coin de trottoir plutôt calme où des adolescents discutent, le bitume de la rue où passent des voitures à l’arrière plan ; le 29 mai, un endroit dépourvu de circulation automobile, probablement un square, lieu de rencontre d’adolescents également. Le 13 mai, le cadrage comprend au premier plan le trottoir où conversent de jeunes gens, en deuxième plan le flot de voitures et en troisième plan un autre trottoir. Un puissant zoom permet de placer la caméra loin de l’aire des protagonistes. Elle est installée en léger surplomb, enregistrant les allées et venues des jeunes gens qui entrent dans le champ filmé, le traversent ou s’y arrêtent, engagent une conversation. Ce qui se passe à l’image n’est pas essentiellement différent entre le début et la fin de la bande, ni même de l’une à l’autre. Le temps passe, rien ne change. Le hasard des choses se donne en spectacle. S’il n’y a à proprement parlé ni événement, ni mise en scène, Allen Street N.Y. (2) 29th May (1994) soulève pourtant la question de la fiction. En enregistrant les faits et gestes d’adolescents qui se retrouvent dans une cour, lieu de rencontre plus que de passage qui par conséquent favorise l’établissement de liens, Allen Street N.Y. (2) 29th May engage à une lecture qui aspire à se débarrasser du hasard et à inclure le hors champ. Peut s’en faut que ce hasard ne réunisse les prémisses d’une fiction et que le hors champ, paradoxalement, ne prolonge dans les méandres imaginés de la fiction les menues actions de l’image. On imagine l’ébauche d’une idylle, son éventuel dénouement. Une fiction s’amorce rattrapée par son antonyme. À l’instar du réel, les détails et mouvements anodins en flux continu prennent le dessus et parasitent toute tentative de fictionalisation. Le parti pris technique adopté par Beat Streuli touche plusieurs points névralgiques des codes cinématographiques et ne peut se soustraire à une lecture qui tente dans un premier temps de codifier les gestes et les apparitions et à en faire sens, pour finalement s’abandonner à la seule durée. Toute lecture s’inscrit dans le prolongement d’un regard. Ici le parti pris technique dédouble le regard : si le point de vue de la caméra semble transmettre de manière neutre une tranche de vie prélevée au réel, notre regard est impliqué autrement. En effet, alors même que le zoom en nous rapprochant des protagonistes favorise un sentiment de proximité émotionnelle et physique, il nous en distancie en faisant osciller notre regard entre observation et indiscrétion. »
Isabelle Aeby-Papaloizos

SEANCE UNIQUE

lundi 5 mars à 20h30