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Ermo


de Xiaowen Zhou



REFLETS DU CINÉMA CHINOIS • COMÉDIES CHINOISES • MARS 2013

Chine, 1994, 1h30, VOSTF
avec Ailiya, Ge Zhijun, Liu Pei Qi

Ermo, jeune paysanne chinoise, subvient seule aux besoins de son fils et de son mari, diminué physiquement. Elle se tue à la tâche pour acheter le plus grand téléviseur de la région. Un magnifique portrait de femme indépendante mise au défi de la compulsion consumériste.

"Là-bas, une jeune femme en sarrau bleu, assise en tailleur sur le trottoir, vend des nouilles à la criée. Au premier plan passe une carriole dans un sens, puis dans l'autre un camion : deux âges de la Chine rurale se croisent ainsi sous nos yeux curieux comme sous ceux, impassibles, de l'héroïne. C'est une image simple et belle qui revient deux ou trois fois dans le film et le résume assez bien. L'histoire d'Ermo est une classique valse à trois. Paysanne, elle s'en va un jour à la ville vendre les nouilles et les paniers qu'elle tresse elle-même. C'est Xia Zi, l'obligeant voisin, qui l'y emmène, loin d'un mari trop vieux, d'un village étriqué. Xia Zi devient l'amant d'Ermo (via le coup de la panne et un strip-tease très pudique), mais l'on fait vite connaissance avec le véritable objet du désir de la jeune femme : un énorme téléviseur que les campagnards hébétés viennent contempler au magasin, telle une apparition. Pour l'obtenir, Ermo sue sang et eau, littéralement ; sans plaisir, opiniâtre, et toujours protégée par Xia Zi. L'épilogue surprendra pourtant. Derrière une observation de moeurs où se croisent archaïsmes et modernité, on découvre une fable au goût amer... et on jubile. Car Zhou Xiaowen procède par petites touches, avec une précision, un humour, et une allégresse de filmer rares. Chaque scène fait avancer le récit, chaque détail est parlant. Ce cinéma-là respire et coule de source. Mais d'où sort-il, ce Zhou Xiaowen, sans référence ni estampille de festival ? La quarantaine passée, il fait des films depuis dix ans, mais on n'a pas pu les voir. Ils parlaient de la guerre sino-vietnamienne, des prisons, des rapports entre les sexes, et la censure de Pékin s'en est mêlée (c'est souvent bon signe). Après compromis et frustrations, Ermo devrait lui ouvrir de nouveaux horizons. Film insolite, dans sa forme toute simple, et qui nous remet en contact avec la Chine d'aujourd'hui, là où Zhang Yimou se perd dans les fresques historiques (Shanghai Triad). Le style de Zhou Xiaowen, on l'a compris, a tout simplement le mérite d'aller, sans effort visible, à l'essentiel."
François Gorin Télérama

Séance unique

Samedi 16 mars 2013 à 15h