Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Blue Jasmine


de Woody Allen



WOODY ALLEN • AOÛT-SEPTEMBRE 2016

USA, 2013, 1h38, VOSTF
avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins
NUM

Blue Jasmine
Après l’effondrement de sa vie de luxe à New York Jasmine trouve refuge à San Francisco chez sa demie sœur, caissière de supermarché. Elle n’en perd pas pour autant sa superbe… Extraordinaire portrait de femme dont le décalage avec la réalité prêterait à sourire si, dans le même temps, on ne percevait sa dimension tragique. On oublierait presque la charge contre le milieu des manipulations financières d’un mari à la Madoff, opposé au monde des travailleurs. Redécouvrant la simplicité et l’efficacité du montage qui se contente de lier le présent et le passé de l’héroïne à quelques moments clés, Woody Allen retrouve les accents d’un Kazan adaptant Tennesse Williams. Après ses années européennes, un retour convaincant aux États-Unis.

"Sa filmographie comptait déjà au moins deux superbes portraits de femme en crise (lire page 63) : une satire joyeuse, Alice, avec Mia Farrow (sur les fêlures de la grande bourgeoisie), et un drame bergmanien, Une autre femme, avec Gena Rowlands (sur les affres de la cinquantaine). Aujourd'hui, Blue Jasmine est à la fois un vrai mélo et une grande comédie.
Le déclassement de Jasmine a aussi des résonances cinéphiles et théâtrales. Cette femme paumée, hagarde, divagante, qui débarque chez sa soeur prolo, laquelle forme un couple avec une brute sexy, oui, c'est forcément un peu Blanche DuBois dans Un tramway nommé désir. Même si la pièce et le film ne sont pas mentionnés au générique, Woody Allen s'amuse à en actualiser la trame. Qu'est-ce qui peut briser une femme aujourd'hui ? Non plus d'avoir été l'épouse d'un gay, comme au temps de Tennessee Williams, mais l'épouse, crédule et passive, d'un homme faussement protecteur, un vrai sac à fric, sans morale, menant tout le monde à l'abîme — Alec Baldwin tient le rôle avec beaucoup d'abnégation.
Comme Blanche DuBois, Jasmine refuse la réalité, ne peut s'empêcher de mentir, de truquer. Il fallait donc, pour l'incarner, mieux qu'une actrice : une actrice au carré, qui sache jouer à jouer. Cate Blanchett est prodigieuse, tant elle refuse la victimisation de son personnage et dégage de force arrogante dans la déconfiture. Ce qui autorise un rebondissement délectable et infernal, comme Woody Allen les aime. Jasmine, se reprenant, rencontre un charmant diplomate, riche et veuf (Peter Sarsgaard), vite séduit à son tour par sa classe et ses chimères. Une seconde chance magique, un flirt de rêve, tout en fausses affinités, avec, en filigrane, le risque vertigineux d'une nouvelle catastrophe... C'est le grand moment funambule du film.
L'irrésistible, dans ce personnage, c'est qu'elle est non pas une folle, mais l'exagération — légère — de névroses très partagées aujourd'hui. Chacun pourra se reconnaître un tant soit peu. Il y a cette tendance à se survendre sans cesse, encouragée par la société, au risque de l'imposture. Jasmine dira ainsi, pour justifier ses mensonges, un lieu commun dans l'air du temps : « On a bien le droit de se réinventer ! » Par son versant dépressif, elle reflète un autre mal du siècle : le désespoir de n'être pas à la hauteur de ses propres rêves. Elle veut, dit-elle, « un métier d'envergure », pas comme sa soeur, caissière. Elle s'imagine donc décoratrice d'intérieur, et se présente comme telle avant même d'avoir commencé la formation en ligne..."
Louis Guichard, Télérama

"À ses merveilleux portraits des années 1980 (Hannah et ses soeurs, Une autre femme), Woody Allen ajoute aujourd'hui celui de Jasmine et de sa sœur Ginger. Le cinéaste poursuit ainsi sa réflexion sur la dichotomie de l'existence. Si dans de précédant opus (Crimes et Délits, Melinda et Melinda), un demi-film s’avérait enjoué, Allen explore ici le registre de la fatalité, sous l'influence assumée de Tennessee Williams. L'atmosphère européenne de San Francisco, qu'Allen n'avait habité que le temps de Tombe les filles et tais-toi, rapproche aussi Blue Jasmine de la série entamée avec Match Point." Michel Ciment, Positif

Séances

vendredi 26/08 19:00 - - mardi 30/08 21:00 - - dimanche 4/09 18:30

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