Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

L'Histoire d'Adèle H


de François Truffaut



INTÉGRALE FRANÇOIS TRUFFAUT • FÉVRIER-MARS 2016

France, 1975, 1h40
avec Isabelle Adjani, Bruce Robinson, Sylvia Mariott
NUM

L'Histoire d'Adèle H
En 1865, Adèle H. quitte Guernesey sous un faux nom pour rejoindre à Halifax un officier anglais dont elle est amoureuse mais il la repousse... Le premier état du scénario montre que l’ambition était de faire un film ample, romanesque, lorgnant vers Autant en emporte le vent, avec en arrière plan la guerre de Sécession. Truffaut et ses scénaristes, Jean Gruault et Suzanne Schiffman l’ont peu à peu réduit et focalisé sur la protagoniste, sur un visage, celui d’Isabelle Adjani, presque tout le temps à l’écran, son amour fou devenant folie obsessionnelle. De la fresque ne demeure que ce qui situe l’action, et ce qui marque dans ce film cru et dur, ce sont des plans comme ce regard d’Adèle qui vacille quand elle découvre le nom du père sur un livre...

"Si je dois résumer en sept points ce qui m'attirait dans l'histoire d'Adèle Hugo, cela donne :
1. Cette fille est seule pendant toute l'histoire
2. On parle de cet homme mais on ne le voit jamais.
3 . Adèle vit sous de fausses identités.
4. Animée par une idée fixe, elle poursuit un but inatteignables.
6. Aucune phrase, aucun geste d'Adèle ne se rapportent à autre chose qu'à son idée fixe.
7. Même si elle mène un combat perdu. Adèle se montre continûment active et inventive.
Je n'ignore pas que tout ce qu'ont écrit, tout ce qu'on filme, revêt une signification mais je dois avouer qu'en ce qui me concerne, l'émotion précède l'idée générale et que c'est le plus souvent à travers ce qu'on écrit sur mon travail que je découvre les raisons souterraines qui m'ont guidé dans le choix de tel ou tel sujet. Les années passent, je tourne des films bons ou mauvais mais tout librement choisis et je suis bien obligé de me rendre compte que seul le domaine affectif m'occupe et m’intéresse." François Truffaut, Dossier de presse du film, réutilisé pour l'Avant-Scène Cinéma, n°165, 1976

"En adaptant les mémoires de la seconde fille de Victor Hugo, François Truffaut a réalisé le plus radical des films d’amour d’horreur. Rien de plus terrorisant que cette radiographie de l’instant Hyde de l’amour, ce moment où il devient un principe carnassier qui dévorera tout, jusqu’à celui qu’il anime. Adèle H aime le lieutenant Pinson, qui s’en fout, prend peur, s’enfuit. Obstinément, elle refuse de prendre acte du désamour, puis du dégoût qu’elle inspire à son ex-prétendant. A la monomanie du personnage répond celle du cinéaste. La mise en scène de Truffaut est avalée par le jeu paroxystique d’Isabelle Adjani, son visage d’opale venue du muet, ses pantomimes tragiques. Jamais ce cinéaste du plan moyen, du rapport entre un sujet et son environnement, n’a filmé un visage d’aussi près, n’a monté autant de gros plans. C’est un film de vampires, une actrice cannibalise un cinéaste, et un personnage cannibalise son actrice. “Cette chose immense qui fait qu’une jeune fille peut traverser les océans, je la ferai”, disait Adèle. A l’époque, les amoureuses blessées voyaient les choses en grand. Aujourd’hui, on les soupçonne seulement de décrocher leur téléphone pour qu’un président n’assiste pas à un concert de musique électronique à Pékin. Le geste est moins émouvant, plus comique. Mais s’il ne laisse pas indifférent, c’est qu’on imagine alors la vampirique Adèle n’avoir toujours pas lâché prise et remonter de la nuit des temps pour commander la conduite un peu irraisonnée de celle qui lui avait si sublimement prêté ses traits." Jean-Marc Lalanne, Les Inrockuptibles


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