Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

La Mariée était en noir


de François Truffaut



INTÉGRALE FRANÇOIS TRUFFAUT • FÉVRIER-MARS 2016

France, 1968, 1h47
avec Jeanne Moreau, Michel Bouquet, Jean-Claude Brialy
NUM

La Mariée était en noir
Au cours d’une réception en haut d’un immeuble cossu, une jeune femme, inconnue de tous, pousse du haut du balcon l’hôte qui fête ses fiançailles. En le poussant, elle lui dit qui elle est, il comprend... Adaptant un polar de William Irish, Truffaut le tire vers Hitchcock - comme dans Vertigo il explique tout au milieu du film - mais surtout vers son propre univers en faisant de la meurtrière une femme en mission par amour d’un mort. Mécontent des couleurs - après ce film il ne tournera plus avec son chef-opérateur Raoul Coutard -, frustré de n’avoir pu utiliser ses excellents comédiens comme il l’aurait voulu - à part Charles Denner -, Truffaut n’aimait guère ce film. Mais le public ne fut pas de son avis et ce fut un grand succès.

"À l'origine de La Mariée était en noir, il y a mon admiration pour William Irish, auteur de romans criminels qui ressemblent à des rêves, mon désir de tourner à nouveau avec Jeanne Moreau et enfin mon envie de tenter cette expérience : filmer une histoire archi-dramatique jalonnée de situations extrêmes mais nourrie d'une quantité de détails réalistes." François Truffaut, La Vie et le drame, 1968

"C’est l’apogée de la tentation hitchcockienne de Truffaut : adaptation d’Irish, musique d’Herrmann… Jeanne Moreau, ange exterminateur, se venge des hommes qui ont mystérieusement détruit sa vie : Bouquet en vieux garçon, Lonsdale en notable abject (et inspiré de Jean Dutourd), Denner en artiste bohème qui la peint en Diane et se découvre chassé. Le film baigne dans un hiératisme irréel, une recherche formelle assez gauche et inhabituelle pour le cinéaste, et l’actrice est presque trop charnelle pour le rôle. Mais c’est justement ce qui rend le film si beau et si poignant, cette volonté désespérée d’y croire, de ressembler au modèle inaccessible. Le syndrome Vertigo." Serge Chauvin, Les Inrockuptibles, 2006

"Dans ses accès d'autoflagellation, Truffaut regrettait d'avoir tourné ce film qui se limitait selon lui à une apologie de l'autodéfense. Pendant le tournage, cette idéologie douteuse lui avait échappé, tant il gardait l'oeil fixé sur un cap aveuglant : réaliser un film d'amour sans une scène d'amour. Aujourd'hui encore, c'est ce pari passionnel qui fascine.
Ange et démon, bourreau et victime, Julie Kohler extermine les hommes à travers un rituel érotique sec et désespéré. Chimiste désaxée, elle leur extorque soupirs et confidences pour alimenter sa machine à souvenirs et aimer son défunt dans une dimension qui n'appartient qu'à elle. Sa démarche mortuaire se rapproche de celle du héros de La Chambre verte, que François Truffaut interprétera par la suite. Aux antipodes de la Catherine de Jules et Jim, jamais Jeanne Moreau ne rit ni ne virevolte. « Joue comme Humphrey Bogart », lui dit le cinéaste. Avec son jeu hypnotique et dépouillé, l'actrice nous ballotte dans un envoûtant port de l'angoisse, baigné par les eaux glaciales du Styx."
Marine Landrot, Télérama

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