Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Le Sport favori de l'homme (Man's Favorite Sport ?)


de Howard Hawks



CYCLE HOWARD HAWKS • DÉCEMBRE 2014

USA, 1964, 2h, VOSTF
avec Rock Hudson, Paula Prentiss, Maria Perschy, John McGiver

Le Sport favori de l'homme (Man's Favorite Sport ?)
Roger Willoughby, auteur d’un livre à succès sur l’art de la pêche, doit participer malgré lui à un concours de pêche. Mais l’homme n’a jamais tenu une canne de sa vie ! Pour ne pas révéler l’imposture, il n’a pas d’autre choix que de s’adjoindre les conseils pas toujours avisés de la charmante organisatrice, Abigail Page… Pour expliquer le relatif échec commercial de ce film, Hawks disait qu’il avait souffert des coupes imposées par le studio. Mais Le Sport favori de l’homme reste une comédie dans laquelle le réalisateur offre une belle synthèse de ses comédies où la femme prend un malin plaisir à dominer l’homme. Un jeu de massacre qui va même jusqu’à l’atteinte physique de son partenaire.

Séances

Lundi 29/12 20:45
Jeudi 1/01 16:00
Samedi 3/01 18:30



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"Le pari de Hawks pour ce film tient en deux lignes dans la préface qu’il rédige lui-même du scénario : "Roger doit subir des frustrations et humiliations sans nombres de la part d’une femme arrogante". A tout point de vue, il semblerait qu’Hawks désire en 1963 réaliser une "screwball comedy" semblable à celles qui établirent sa réputation à la fin des années 1930. Il va même jusqu’à recycler la fameuse scène de L’Impossible Monsieur Bébé (Bringing Up Baby, 1939) où l’on voyait Grant marcher derrière Katharine Hepburn dans un restaurant pour masquer un morceau d’étoffe manquant au bas du dos de sa robe. La nouvelle version provoque ici moins d’hilarité tant Hudson est incapable d’exprimer un réel embarras.

Contrairement aux chefs-d’œuvre des années 1930, le film est souvent mou. Les grandes comédies hawksiennes tiraient leur incroyable énergie du caractère farfelu, farceur des acteurs et de leur trépidant débit de parole. Le déluge d’informations, la véloce logorrhée d’une Katharine Hepburn ou d’une Rosalind Russel
(His Girl Friday, 1939) réussissaient miraculeusement à éclairer la nature zélée des personnages. On peut même comprendre rétrospectivement pourquoi Eric Rohmer se soit toujours montré si admiratif devant les films de Hawks. Le cinéaste américain aurait peut-être été le premier à faire signifier le parlant plutôt que de tout miser exclusivement sur les seules informations contenues dans le dialogue. Hawks aurait réussi à vivifier ses personnages par la manière dont ils s’exprimaient en emportant le film avec eux. Exactement comme les héros des films de Rohmer ou encore le stéréotype même du personnage burlesque du règne de la parole : Woody Allen.

Dans
Le Sport favori de l’homme, Hawks n’a guère abandonné l’idée d’exploiter ce procédé. Seulement ses acteurs alanguissent le rythme du film à force de vouloir en même temps faire ressurgir des modèles originaux. Bref, ils ne se lâchent pas là où le cinéma de Hawks peut donner parfois une réelle impression de liberté et de nonchalance. Ainsi le débit de Rock Hudson est mesuré. C’est celui d’un homme qui désire affirmer son efficacité et son autorité et ainsi exprimer sa maturité. Il s’oppose peu efficacement à celui alerte et moqueur de Paula Prentiss qui le fait vaciller au point d’en faire jaillir l’artifice. Ces deux rythmes étant ici sans cesse surjoués, ils paraissent comme le film à la fois maniérés et datés.

... L’histoire raconte les mésaventures d’un auteur qui n’a jamais pratiqué la discipline où il excelle à écrire. Hawks semble se moquer avec malice de tous ses exégètes européens. Il ridiculise lui-même la fameuse morale du professionnalisme qui lui avait été étiquetée comme garante de son génie. Roger remporte la compétition par un concours de malchances et de maladresses dont il est la victime triomphante. Le grand cinéaste américain se moque de tous ces critiques délirants et impressionnistes dont il a lu les commentaires avec perplexité.

En 1964, Hawks leur aurait jeté à la figure le film de leur rêve, "screwball comedy" miraculeusement ressuscitée devant leurs yeux aveugles de bigots. Il affirme par la même occasion que lui seul est un professionnel, un véritable cinéaste. Ultime élégance irrévérencieuse du plus élégant des cinéastes américains. Qui s’amuse avec désinvolture des passions exacerbées qu’il provoque chez tous ces intellectuels en train de louer son réel génie."

Frédéric Mercier, DVD Classik, 2006