Le Cinematographe
Le Cinématographe
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Dispositifs scolaires

Les 400 coups

de François Truffaut


France, 1959, 1h33
Avec Jean Pierre Leaud, Guy Decomble, Claire Maurier

Collège au Cinéma 2013/14 - 2e trimestre - 6e/5e

Les 400 coups
Antoine Doinel est un enfant solitaire d’une douzaine d’années. Mal aimé de ses parents, persécuté par son instituteur, il passe son temps à faire l’école buissonnière et à traîner dans les rues de Paris avec son ami René. En classe, le jour de la composition de français, il est accusé d’avoir plagié Balzac et renvoyé. Il se réfugie chez René, avec qui il vole une machine à écrire pour se procurer l’argent qui leur permettrait de s’enfuir au bord de la mer.

"Il y avait très longtemps que ce sujet m'occupait l'esprit. L'adolescence est un état reconnu par les éducateurs et les sociologues, mais nié par la famille, les parents. Pour parler le langage des spécialistes, je dirai que le sevrage affectif, l'éveil de la puberté, le désir d'indépendance, le sentiment d'infériorité sont les signes caractéristiques de cette période. Un seul trouble entraîne la révolte et cette crise est appelée justement d'originalité juvénile .Le monde est injuste, donc il faut se débrouiller : et on fait les quatre cents coups."
François Truffaut

" Un archiclassique. De quoi sont faits les films ? François Truffaut, qui a été l'assistant de Roberto Rossellini, connaît bien la réponse : il suffit de trouver une situation. La situation des 400 Coups, il va la chercher au plus près, puisqu'il s'agit de la vie d'un préadolescent mal aimé à Paris. Truffaut connaît les deux, et le film est, comme chacun sait, fortement nourri de son enfance.
Il y a sans doute une autre raison à ce choix : il est créateur de mouvement, auquel le jeune cinéaste est pour le moment très attaché (dans Les Mistons, son seul vrai court métrage, tout repose sur les promenades en vélo de l'héroïne). Pour dire les choses simplement, le sujet des
400 Coups permet à Truffaut de filmer des gens "qui bougent" : des enfants qui courent dans les rues, chahutent, dégringolent les escaliers, se battent dans la cour, jouent au ballon, s'enfuient (parfois même avec une machine à écrire sous le bras), volent une bouteille de lait, s'insultent... Et comme nous sommes en hiver, de la buée sort de la bouche des personnages et ces petits nuages blancs impressionnent eux aussi la pellicule.
Et puis il y a Paris : les passants, les commerçants, les attractions des fêtes foraines qui tournent sur elles-mêmes comme un praxinoscope. La nuit, à Paris, on ne voit plus que les néons des boîtes de nuit et des salles de spectacle, leurs reflets sur les trottoirs mouillés, et quand Antoine Doinel fait un tour en voiture avec ses parents, les lumières qui caressent subrepticement les visages sont floutées par les gouttes qui recouvrent le pare-brise. Ce Paris-là, c'est celui d'avant le grand nettoyage ordonné par Malraux, un Paris noir, industriel, poussiéreux, un Paris populaire, avec ses taudis, un Paris aux murs griffés, griffonnés, épaufrés, que la caméra d'Henri Decae caresse dès les premiers plans du film, avec la tour Eiffel qui émerge au milieu de la grisaille.
A Paris, il y a des murs partout, à la maison, à l'école (on écrit sur les murs de la classe, mais pas pour y écrire "liberté" comme ce bon vieil Eluard), au cinéma, en prison... Effets de noir et blanc, jeux d'ombres et de lumières, sons (les pizzicati du violon qui rythment l'action) et bruits de la rue, le jeune cinéaste Truffaut, assoiffé de cinéma, veut de l'image qui bouge dans ses plans.
Les scènes les plus faibles du film, celles qui ont le plus mal vieilli, sont aussi les plus figées : celles qui confrontent le jeune héros à des marionnettes grimaçantes plus qu'à des êtres humains ­ le professeur d'anglais ou le veilleur de nuit qui chope Antoine Doinel. Un Antoine Doinel qui ne tient jamais en place, vif-argent au milieu du monde gris des adultes. "

Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles