Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Les Deux Anglaises et le Continent


de François Truffaut



INTÉGRALE FRANÇOIS TRUFFAUT • FÉVRIER-MARS 2016

France, 1971, 2h15
avec Jean-Pierre Léaud, Philippe Léotard, Kika Markham


Les Deux Anglaises et le Continent
En 1899, un jeune bourgeois parisien se lie d’amitié avec une jeune anglaise. Elle l’invite chez elle car elle veut lui faire connaître sa sœur... Seconde adaptation d’un roman d’Henri Pierre Roché, proche du premier mais plus grave, que Truffaut pousse encore plus vers la description des déchirures et souffrances amoureuses. Formellement il va aussi plus loin alliant "un film physique sur l’amour" et les envolées littéraires d’une abondante correspondance. La photographie splendide d’Almendros donne une grande beauté à des scènes crues, insistantes que Truffaut s’est refusé à raccourcir, comme il a refusé de couper ce plan" de rouge sur son or" qui lui fut très reproché. Un échec commercial, un des films les plus profonds de Truffaut.

"Les Deux Anglaises et le Continent est mon onzième film, mais je préfère le considérer comme le premier... enfin... le premier d'une nouvelle série de dix! En effet, tout au long des cinquante jours de tournage des deux Anglaises, j'ai eu l'impression de m'attaquer à quelque chose de nouveau pour moi, peut-être parce que je ne n'avais jamais autant travaillé avec les acteurs ni autant réfléchi sur l'utilisation de la couleur, peut-être parce que le scénario de ce film était assez particulier. Le scénario, nous l'avons tiré, Jean Gruault et moi, du second roman d'Henri-Pierre Roché (le premier était "Jules et Jim"), mais ce roman constituait déjà une sorte d'adaptation, puisque l'a composé entre 1954 et 1957, en utilisant ses agendas des années 1900 à 1920 ainsi que ses journaux intimes et des lettres. Il s'agissait donc d'un matériel littéraire mais réel, vécu, éprouvé et ressenti." François Truffaut, L'Avant-Scène du cinéma, 1971.

"Côté intrigue, Les Deux Anglaises… est un peu l’inverse de Jules et Jim, adapté du même auteur, Henri-Pierre Roché : ici, deux femmes aiment le même homme. Mais côté traitement, on retrouve la même analyse glacialement distanciée de passions amoureuses brûlantes. Les personnages radicalement romantiques de Truffaut ne parviennent pas à s’aimer, moins à cause d’obstacles extérieurs que de blocages mentaux, intimes. Muriel conçoit l’amour comme un absolu, là où Claude en accepte la relativité.
Le montage est heurté, le ton tranchant : cette œuvre âpre et cruelle est l’une des plus personnelles de son auteur. Le contexte de son élaboration n’est pas anodin. Début 1971, Truffaut, accusant une profonde dépression sentimentale, suite à sa rupture avec une actrice blonde, entre en clinique et demande à relire Les Deux Anglaises et le Continent d’Henri-Pierre Roché. Le personnage principal du film, joué par Jean-Pierre Léaud, alter ego de Truffaut, devient la fusion de Roché et Truffaut, collectionneurs de conquêtes, deux Don Juan qui ne peuvent se résoudre à une seule femme. Mais Mai 68 est passé par là, libérant la parole des femmes : il faut réécouter ce que disent ici Ann et Muriel pour comprendre que Truffaut a réalisé un film beaucoup plus féministe que ce qu’on aurait pu imaginer. Anecdote signifiante : on a retrouvé en 2000 la comédienne Kika Markham, qui joue ici Ann, dans Esther Kahn d’Arnaud Desplechin, façon pour le jeune cinéaste de s’inscrire dans la filiation de ces
Deux Anglaises." Olivier Nicklaus, Les Inrockuptibles

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