Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Shara (Sharasojyu)


de Naomi Kawase



LE CINÉMATOGRAPHE • 10 ANS • OCTOBRE 2011

Japon, 1h39, 2004, VOSTF
avec Kohei Fukungaga, Yuka Hyyoudo, Naomi Kawase, Katsuhisa Namase, Kanako Higuchi

Shara (Sharasojyu)
Kei et Shun, deux jumeaux, se poursuivent dans des ruelles. Kei disparaît mystérieusement. 5 ans plus tard, ce souvenir obsède Shun et l’empêche de déclarer son amour à Yu. Shara est une histoire de disparition et de renaissance, de deuil et d’amour. Naomi Kawase possède un don inné pour retranscrire la beauté visuelle et sonore du monde pour vous imprégner d’une communauté.


"L’artiste et vidéaste expérimentale qu’est Naomi Kawase n’éprouve aucune difficulté à montrer dans une sorte de suspense douloureux et profond les traces de la disparition d’un enfant, le travail de deuil et de mémoire qui s’en suit et la lente réappropriation de soi et de son histoire, malgré tout. Elle observe avec compassion, comme une personne aimante écoute la détresse humaine. Elle ne raconte et ne filme que ce qu’elle a vécu elle même. Abandonnée par ses parents qui divorcent, elle est élevée par sa grand-mère qui l’adopte. Tous ses films tournent autour de ce noyau douloureux de l’abandon, de la perte et de la reconquête de soi. La cinéaste a elle-même traversé ces épreuves. Ses plus beaux films ne racontent que cela, mais ce n’est ni larmoyant, ni triste : Shara, c’est l’histoire de la disparition d’un être proche, l’histoire d’un corps manquant (Kei, le frère jumeau) qui obsède et détermine la vie du corps restant, Shu. Et la vie de ses parents. Disparition d’autant plus douloureuse, que le garçon s’est littéralement évanoui, il a été comme avalé, happé par une maison et son corps s’est évanoui en même temps. Le cinéma sensuel de Naomi Kawase suit les jumeaux dans leurs jeux de poursuite, les perd dans les dédales de la ville de Nara, ancienne capitale du Japon, où la réalisatrice a vécu elle-même, créant ainsi un mystère et une interrogation plus profonde, dépassant toujours le cas, le fait divers, l’anecdote. Son langage de cinéaste élargit le propos en permanence : combien de corps ont disparus, où sont tous ces fantômes du vieux Japon ? N’ont-ils pas habités ces maisons et ces ruelles, ne sont-ils pas là dans tout ce qui ne se parle pas, dans tout ce qui accable secrètement ? De quel retour du refoulé veut-elle parler à ses parents, aux Japonais ? Comment ne pas s’y perdre, comment vivre sans oublier, comment accepter cette disparition cruelle, comment grandir sans son frère jumeau, mais construire sa propre vie quand même ? Comment faire avec la révélation qu’on est un enfant adopté ? Quand elle entreprend le travail sur Shara, elle s’installe avec ses acteurs-personnages du film dans une relation quotidienne. Toute l’équipe vit dans une maison, ça sera la maison du tournage, ça sera leur vie pour et dans le film. Peut-être arrive-t-elle ainsi à créer cette intensité peu commune qui caractérise ses films. Comme si elle avait écouté pendant des décennies les manifestations secrètes des âmes en émoi. Son cinéma révèle, dans une alchimie dont elle est seule à connaître la formule et l’antidote, l’agitation des corps exposés aux tourments des émotions. À l’observation de ce monde intérieur insondable, elle joint un filmage d’une précision exceptionnelle pour capter les manifestations du corps par rapport à cette violence du réel inacceptable. Shara est une autre pierre précieuse qui complétera la lente élaboration d’une œuvre, du travail ô combien spécifique de la cinéaste : étudier les rencontres tourmentées des âmes sœurs / frères, parents / enfants, etc. Shara marque aussi un tournant, car, c’est la première fois, que Naomi Kawase donne la priorité à la "danse" de la vie, à la renaissance – un bébé naît – non pas pour remplacer le corps disparu, mais pour affirmer le mouvement perpétuel. Dans une chorégraphie joyeuse, une danse que Naomi Kawase a inventée, elle célèbre la vie et sa propre guérison."
Heike Hurst, Le Monde libertaire


Film précédé de Plages de Dominique Gonzales-Foerster • France, 2001, 15 min
Une séquence mélancolique qui offre un panorama hypnotisant de la plage surpeuplée de Copacabana à six heures du matin. Un paysage curieux, réel et fantastique.

Séance unique

samedi 8 octobre à 19:30