Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Vivement Dimanche !


de François Truffaut



INTÉGRALE FRANÇOIS TRUFFAUT • FÉVRIER-MARS 2016

France, 1983, 1h55
avec Fanny Ardant, Jean-Louis Trintignant, Jean-Pierre Kalfon
NUM
À partir de 10 ans

Vivement Dimanche !
Un agent immobilier participe à une chasse. Un notable de la ville y est assassiné. Il est soupçonné... Pour sa cinquième adaptation d’un roman de la Série noire Truffaut choisit un de ses auteurs les plus drôles, Charles Williams. Il mêle ainsi le polar de série B et la comédie américaine, double hommage à des genres qu’il défendit comme critique. Inversant l’importance des personnages du patron et de la secrétaire, il confie à Fanny Ardant un rôle à la Katherine Hepburn qui met en valeur toutes ses capacités de comédienne. Il tourne en noir et blanc malgré l’opposition des télévisions, qui commencent alors à financer le cinéma. Accélérant encore le rythme au montage, il propose avec ce qui sera son dernier film une comédie policière alerte et pétillante.

"C’est un film dans lequel on se dit des trucs comme ça : « Ne vous mettez pas martel en tête », « Voilà le topo » ou encore « Les pieds dans l’eau, c’est pas souvent en montagne. » Et puis soudain : « Mes bagages arriveront quand je partirai. » Serait-ce un message codé, le secret de l’œuvre discrètement révélé ? Il pourrait alors se résumer ainsi : le personnage de Fanny Ardant bouge si vite que tout le reste (le sens, le sérieux, le drame, les hommes…) aura toujours une bonne longueur de retard, n’apparaissant sur la scène que quand elle l’a déjà quittée. Mais reprenons les choses au début. Comme le racontent Antoine de Baecque et Serge Toubiana dans leur biographie de François Truffaut parue en 1996 chez Gallimard, Vivement dimanche ! est né d’une vision. Celle, lors du montage de La Femme d’à côté, d’une séquence dans laquelle l’allure de Fanny Ardant évoquait furieusement celle d’une héroïne de film noir. Elle en deviendra donc franchement une, avec imper, talons hauts et regard préoccupé-frondeur derrière les essuie-glaces en voiture (c’est la nuit, c’est la pluie) dans le film suivant du grand homme, qui sera son dernier.
Ardant y est Barbara, la secrétaire de l’agent immobilier Jean-Louis Trintignant qui est suspecté d’un meurtre, puis d’un deuxième, et ce n’est que le début de cette folie. Elle se change rapidement en enquêtrice, Bogart et Bacall fusionnés, et, tiens, sur son temps libre, est aussi une actrice. « Nous sommes des amateurs », réplique-t-elle fort justement à son metteur en scène qui leur reproche, à elle et à ses camarades encostumés débordant de bonnes intentions, de ne pas se montrer assez « professionnels ». Là, ce pourrait aussi bien être le film qui nous parle, histoire de détourner préventivement les attaques de ceux qui lui reprocheraient, au hasard, son manque de vraisemblance, ses incohérences ou ses délicieuses embardées hors-sujet – sur les écoles Pigier, le café bien chaud et, mon dieu, quelqu’un va-t-il faire quelque chose contre cette fuite d’eau ? Nous sommes des amateurs, c’est-à-dire des gens qui aiment – et sûrement pas les prisonniers volontaires d’un triste savoir-faire. Autant dire que si, en matière de film noir, Vivement dimanche ! est du genre lettré, il n’a vraiment rien de l’exercice de style corseté. Des cinq « polars » de Truffaut (avant lui vinrent Tirez sur le pianiste, La mariée était en noir, La Sirène du Mississipi et Une belle fille comme moi), c’est même le plus rieur, le plus facétieux – ne pas en déduire, bien sûr, qu’il s’agit d’une œuvre approximative
"Avant tout, Vivement dimanche ! est un film dans lequel il y a du jeu, et dans tous les sens du terme. Un film d’acteur (d’actrice, d’abord, bien sûr, c’est dingue comme Fanny A. scintille dans le noir), un film sur ce que c’est de choisir ou d’accepter un rôle (au travail, en amour…) et sur les manières de se l’approprier. Un film, naturellement, dans lequel Truffaut se joue et s’amuse des conventions, entre hommage à la série B hollywoodienne et décalque franchouillard azuréen – nous sommes dans le sud de la France et ça s’entend même si la Méditerranée demeure invisible. Mais s’il y a du jeu, comme en mécanique, c’est que toutes les pièces ne sont pas définitivement fixées à leur place. Ça bouge, ça frotte, ça trébuche, ça se touche, ça danse. « Mais qu’est-ce qui vous arrive ? », demande Trintignant, éberlué, à Ardant qui vient de l’embrasser (pour détourner d’eux l’attention des policiers qui surgissent dans une rue obscure). « J’ai vu faire ça au cinéma », lui répond-elle. Plus tard, chez les flics, accusé, c’est lui qui s’écrira : « Il doit bien y avoir dans cette putain de ville un autre petit garçon qui a refusé de grandir. » Oui. C’est un film comme ça." Erwan Higuinen, Les Inrockuptibles

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