Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

MEMBRES ET PARTENAIRES

L'Ensemble Utopik joue sur Dura Lex


de Lev Koulechov



bulCiné • CINÉ-CONCERT • OCTOBRE 2021

URSS, 1926, 1h15
avec Alexandra Khokhlova, Sergei Komarov, Vladimir Foguel, Porfiri Podobed

L'Ensemble Utopik joue sur Dura Lex
Premier chef d'œuvre du cinéaste soviétique Lev Koulechov (1899 - 1970) ce film évoque l'histoire tragique d'un groupe de chercheurs d'or. Après avoir découvert un important filon, l'un d'entre eux tente d'en conserver la totalité pour lui seul. Il tue deux de ses camarades. Les deux derniers l'arrêtent, mais, respectueux de la loi, considèrent qu'ils ne peuvent tuer le meurtrier sans l'avoir jugé. Dans la solitude des vastes paysages qui bordent le fleuve Yukon, à proximité des mines d'or du Klondike, rendues célèbres par La Ruée vers l'or de Chaplin, la tension dramatique entre les personnages est renforcée par les puissances de la nature. Elles donnent à ce film sombre un formidable lyrisme.

L'Ensemble Utopik

L’Ensemble Utopik s’est constitué en 2004 sous l’impulsion de six musiciens nantais désireux d’explorer et de faire vivre le répertoire contemporain. Son ambition est de favoriser la rencontre des publics avec les œuvres et les compositeurs. À partir de son noyau central (Laurent Berthomier, clarinette, Michel Bourcier, direction, Marie-Violaine Cadoret, violon, Ludovic Frochot, piano, François Girard, violoncelle, Michel Grizard, guitare, Bruno Lemaître, percussions), Utopik se déploie depuis les formations de musique de chambre jusqu’à un ensemble d’une vingtaine de musiciens. De Pierre Boulez à Steve Reich et d’Arnold Schönberg à Raphaël Cendo, son répertoire ne se fixe sur aucune esthétique et se plaît à sillonner les langages pluriels d’aujourd’hui. Au cœur de l’action de l’ensemble, la médiation vers les publics tient une place primordiale.

L'Ensemble Utopik est soutenu par l'Etat – Préfet de la région Pays de la Loire, la Région Pays de la Loire, la Ville de Nantes et le Département de Loire-Atlantique. Certains de ses projets sont soutenus par la Spedidam et bénéficient de l'aide de Nantes Métropole et l'Institut Français.

Note d'intention

Précisions de Philippe Schœller :
''La "matière silence", celle-là même qui étoffe le cinéma muet, même si les films étaient à l'époque fréquemment 'accompagnés' par un pianiste, cette matière-silence est ici fondamentale pour Dura Lex. Chacun des 14 épisodes de Dura Lex doit sonner comme un départ qui, peu à peu, lance l'énergie sonnante et résonante de l'ensemble instrumental pour être, progressivement, “absorbée par la matière-silence”, par l'imgae filmique qui, seule, reste dans le muet, dans le musical comme éloigné en une perspective infinie. Comme si la limite du son était le point où le silence l'engloutit, l'absorbe à jamais, par l'image muette. Par l'oeil. Par conséquent les musiciens s'efforceront de prendre grand soin à bien répartir les gestes de résonance comme des tenues souvent très subtiles, composées ici dans un esprit toujours chambriste. Pour cette raison précise les instruments ne doivent pas être amplifiés.”

Note de Philippe Schœller :
"Dans ce film bouleversant, terrible, où l'irréversible soude le sentiment tragique du temps, j’ai immédiatement été saisi par "la musique de l’œil" c’est-à-dire le génie de Koulechov à faire langage par l’œil, par un système extraordinaire qui, ayant le son en absence, ferait parer d'un langage anté-sonore tout ce qui fait l'oeil attentif, rêveur, sensible. Koulechov a inventé une musique au cœur de l’œil muet, avec son mouvement, sa propre description des formes temporelles en défilements, lancées, ruptures, flux et tensions. Cette musique de l’œil je ne voulais surtout pas la commenter, me plaquer dessus, ou la troubler de façon grossière en la soulignant ou en m'en servant comme d’un contre-pied ou d’un prétexte, d’un support de temps. Bref, pour moi, avec Dura Lex, la perle c’est bien la musique de l’œil. L'écrin, alors, peut-être, serait quelque musique précise, raréfiée et intense sans être pour autant lacunaire.
Deux axes guidèrent alors l’écriture de la partition, ici pour septuor : le premier axe était le subtile, le rien -les belles énergies fines de la physique et la neurobiologie-, alors l’infinie dentelle de l’écriture chambriste, sertie par le silence de l’image muette, comme si le son musical était absorbé dans le mouvement de l’image. Le silence comme matière donc, car comme limite où l’oreille touche le muet de l’œil quand celui-ci parle.
Le second axe partait du principe suivant : le film peut se découper en 14 épisodes, au cours desquels la métaphysique du sentiment humain traverse un éventail inouï de différences, de profondeurs, de gouffres ou d’élans de lumière, et ce à travers une architecture du temps en forme de ligne asymptotique, de point qui fuse vers une limite impossible, une perspective infinie, et où la fin du film touche à un espace hors du temps. Par-delà toute forme d’illustration de l’image, ou, bien sûr, par-delà tout contre-pied -décalage moderniste, je décidai de parcourir 14 latitudes de cette « planète » Dura Lex, et d’installer 14 microclimats musicaux très clairement, au fur et a mesure des 14 épisodes, 14 signatures relativement simples car en forme de retrait, de tact et de distance élégante par rapport à la force de la musique de l’image.
Les 14 épisodes se répondent les uns les autres. Comme les ouvertures multiples d’un terrier d’animal. Les échos d’un épisode à l’autre étant toujours d’une façon de lier les bras de la spirale tragique, la spirale du processus tragique où nous emporte le temps. Le temps tragique, pur, solaire et écliptique selon Koulechov par ce film : une métaphysique du sentiment où, précisément, la politique musicale et sonore peut apparaître et disparaître, comme un parfum et ses effluves. Un temps onirique."

Séance unique

- - vendredi 22/10 20:30