Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

Archives 2001-2011

MORCEAUX DE CONVERSATIONS AVEC JEAN-LUC GODARD


de Alain Fleischer



PROGRAMMATION AVRIL 2009

France, 2007, 2h05, documentaire

MORCEAUX DE CONVERSATIONS AVEC JEAN-LUC GODARD
Dans ses conversations avec divers interlocuteurs (Dominique Païni, Jean Narboni, Jean-Marie Straub, Danièle Huillet, André S. Labarthe et Christophe Kantcheff), Jean-Luc Godard développe la réflexion sur l'Histoire, la politique, le cinéma, l'image et le temps, qui le conduira à s'exposer comme artiste au Centre Pompidou, au printemps 2006. La matière et les enjeux sont ceux qu’il avait envisagé de présenter dans ses cours au Collège de France. Sous une autre forme, devant la caméra, et en compagnie de ses interlocuteurs, Jean-Luc Godard confie ce qu’il tenait à nous dire aujourd’hui, ou a été conduit à exprimer lors de ces échanges.


HISTOIRE D’UN FILM
En avril 2006, Jean-Luc Godard présentait au Centre Pompidou une exposition qui était le résultat d’un long
processus, et dont lamatière initiale était celle du cours que le cinéaste avait proposé au Collège de France et que cette prestigieuse institution avait refusé. La riposte de Jean-Luc Godard avait d’abord été le projet d’une série de neuf films, espièglement intitulée Collage(s) de France, et qui aurait constitué un regard critique sur le cinéma, la télévision et l’audiovisuel en général, avec une forte coloration politique. De cette production, le Fresnoy-Studio national était partenaire, et la collaboration devait donner lieu à de nombreux échanges entre Jean-Luc Godard, les étudiants et
diverses personnalités, choisies d’un commun accord.

Accompagné dans sa démarche par Dominique Païni, directeur du Développement culturel au Centre Pompidou, Jean-Luc Godard est passé, au fil desmois, du projet de neuf films à celui d’une exposition où le cinéma serait exposé et déployé dans les espaces d’un musée, selon un dispositif et une scénographie proches de ceux de l’art contemporain, avec installations, projections, écrans plats, textes, éléments de décor et pièces demobilier, ainsi que la présence de quelques oeuvres de peinture empruntées aux collections duMusée National d’ArtModerne.

Pour suivre désormais un travail qui n’était plus celui, traditionnel, du tournage et de la post-production de films de cinéma, Jean-Luc Godard nous a proposé de faire nous-mêmes un film documentaire (« nous », c’est-à-dire Le Fresnoy et moi-même, son directeur, en tant que cinéaste), et de commencer par nous rendre chez lui à Rolle, pour le voir au travail parmi ses installations techniques, comme on va filmer un peintre dans son atelier.

Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard a donc été tourné à Rolle, en Suisse, mais aussi au Fresnoy-Studio national et au Centre Pompidou, sur une durée de dix-huit mois. On y voit Jean-Luc Godard travaillant à son projet, le modifiant, l’interrogeant, le préfigurant de diverses façons (montages de films, assemblages d’images et de textes, dispositifs techniques, maquettes et plans de scénographie, etc.), et s’expliquant avec Dominique Païni ou avec la scénographe Nathalie Crinière.Mais sa réflexion y est aussi alimentée par la découverte d’oeuvres de jeunes artistes – qui utilisent les images et les sons du cinéma pour un autre mode de diffusion que la salle obscure –, et par le dialogue avec eux. Par ailleurs, Jean-Luc Godard accepte l’échange, révèle ses enjeux et ses références, et confronte ses idées en conversant longuement avec Jean Narboni, André S. Labarthe, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, à qui il expose ses projets, montre des exemples, ou face à qui il s’explique, réagissant lui-même aux réactions provoquées par certains de ses films. Enfin, en compagnie du journaliste Christophe Kantcheff, il effectue une visite guidée et critique de l’exposition telle qu’elle fut réalisée et présentée au Centre Pompidou, sous la forme de ruines et de vestiges des projets successifs, pour dire, au bout du compte, la difficulté, voire l’impossibilité, de parler du monde d’aujourd’hui avec les moyens de l’art.

D’une façon certes moins formelle, et avec une règle du jeu plus souple, que ne le fait Gilles Deleuze dans son
Abécédaire, mais avec une semblable liberté et dans une relation aussi simple et aussi intime, Jean-Luc Godard fait
un tour d’horizon, amené à s’exprimer et à s’expliquer aussi bien sur sa vision du cinéma et de l’art, que sur sa méthode, ses sources, ses goûts, ses positions et ses points de vues politiques et philosophiques, y compris lorsque ceux-ci ont pu engager sa responsabilité de créateur éminemment influent, d’une manière souvent jugée problématique.

En se déplaçant comme il n’avait jamais consenti à le faire jusque-là – malgré de nombreuses sollicitations –, depuis le champ-clos du cinéma jusqu’à cette scène ouverte de l’art contemporain que le cinéma domine depuis des décennies, Jean-Luc Godard apparaît à la fois stabilisé par le recul du temps sur son parcours de cinéaste, et déstabilisé par son passage à un temps et à un espace nouveaux. Jean-Luc Godard ne s’est sans doute jamais livré, jamais exposé ainsi, dans ce qu’il a souhaité lui-même être un film le montrant au travail, en discussion, en réflexion. Il a toujours respecté un contrat et un engagement qui le plaçaient au centre d’un regard indiscret, et s’il a toujours joué le jeu, dans les diverses circonstances, cela a été sans qu’il admette pourtant la possibilité ni la légitimité d’un cinéma après le sien, a fortiori celle d’un cinéma auprès de lui, sur lui.
Alain Fleischer

SEANCES

Mardi 21 avril à 20h30
Samedi 25 avril à 16h30
Mardi 28 avril à 18h30
Jeudi 30 avril à 21h15

SORTIE NATIONALE

MARDI 21 AVRIL 2009 • 20:30 • SÉANCE SUIVIE D’UNE DISCUSSION AVEC ALAIN BERGALA, CRITIQUE, ESSAYISTE, RÉALISATEUR ET PROFESSEUR DE CINÉMA, AUTEUR DE GODARD AU TRAVAIL ; ET JEAN-PHILIPPE TESSÉ, CRITIQUE AUX CAHIERS DU CINÉMA