Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

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Monstres


par Nicolas Thévenin



MAX ET LES MAXIMONSTRES
MAX ET LES MAXIMONSTRES
La programmation de cette année pour les élèves de première année de l’École de Design est consacrée aux monstres. À certains d’entre eux plus précisément, tant leurs formes sont nombreuses, parfois inattendues, et proviennent d’un imaginaire sans cesse renouvelé. Pour en saisir une infime variété, les films proposés, certes américains pour moitié, traceront un parcours conduisant également en Europe et en Asie. Cette diversité géographique s’imposait, tant le monstre, s’il supporte une définition générale a priori évidente, n’apparaît pas à l’identique ni avec les mêmes connotations dans toutes les cultures. La progression de cette programmation, construite sur de permanents allers-retours entre le cinéma patrimonial et contemporain, permettra par ailleurs d’en avoir une vision diachronique, afin d’observer à quel point la mise en scène des monstres évolue avec le temps.

Conformément à son étymologie, le monstre est celui que l’on montre, que l’on désigne comme étant dans un écart à la norme, souvent de manière excessive. Capable de mettre du désordre dans l’ordre, il génère de la répulsion autant que de la fascination, il questionne celui qui le regarde sur sa propre identité et sur son lien à l’altérité. Le monstre est ainsi historiquement lié au spectacle et de fait au cinéma, mais au sein de cette programmation, la monstruosité considérée sera uniquement celle, physique, qui déroge à la bienséance esthétique, qui repousse en même temps qu’elle aimante, autrement dit celle que l’on voudrait cacher pour mieux la révéler.

Avec pour point de départ Freaks, troublant film matriciel sur les limites de ce que peut représenter le cinéma sans artifice, et comme conclusion Max et les maximonstres, adaptation d’un classique de la littérature pour enfants, cette programmation entamera un dialogue avec certains contes, légendes et récits dans lesquels les monstres prennent vie. Ainsi croisera-t-on quelques créatures classiques du cinéma d’épouvante (le vampire, le monstre géant, le lycanthrope) ainsi que des figures romantiques dont la monstruosité existe avant tout dans l’œil de celui ou celle, qui, au sens propre ou figuré, l’invente (la créature du docteur Frankenstein, la Bête, le musicien camouflé), induisant quelques frictions du film de monstres en tant que genre avec d’autres registres, comme le film musical ou l’animation.

Le cinéma entretient une relation ludique avec sa capacité à faire exister les monstres à l’écran : puisque le monstre est celui qui peut faire advenir l’effroi voire la sidération chez le spectateur de par sa difformité, son outrance ou le désir supposé de faire le Mal qui lui est associé, l’enjeu le plus courant est alors de contenir ou au contraire de multiplier ses apparitions ou ses surgissements, de jouer avec les craintes et les attentes, de faire du cadre le théâtre de toutes les horreurs. Ainsi, ces films viseront à interroger, peut-être même à remettre en question, le rapport de connivence que chacun peut entretenir avec les images et la narration, ainsi que la croyance en ce que le cinéma peut rendre visible ou invisible.

Texte publié à l'occasion de la programmation de l'Ecole de Design pour l'année scolaire 2017-2018