RÉTROSPECTIVE EUGÈNE GREEN • MARS 2016
France, 2001, 1h52
avec Alexis Loret, Adrien Michaux, Christelle Prot
avec Alexis Loret, Adrien Michaux, Christelle Prot
Deux jeunes provinciaux, très liés, se séparent sans se perdre de vue pour se lancer dans la vie… C’est avec ce film qu’Eugène Green, fuyant les USA, « La Barbarie », et venant du théâtre baroque où il impose une diction qui restera une marque de son œuvre, atterrit en cinéma en France. Il lui vaut le prix Louis Delluc du premier film. Adaptant librement Flaubert, il transpose avec une ironie minimaliste la décennie révolutionnaire des années 1840 dans les années autour de 1968 dont il n’épargne guère les protagonistes. Des parti pris radicaux : plans fixes, corps rarement cadrés en entier, visages scrutés longuement et diction à la Bresson avec des liaisons appuyées. L’artificiel traque la profondeur intime des êtres.
"Pour ce faire une idée du style d'Eugène Green, il faut imaginer un croisement de Bresson, de Rohmer et d'Eustache. Du premier, on retrouve notamment la direction d'acteurs antinaturaliste ; du deuxième, la malice, la préciosité et le goût du discours amoureux ; du troisième, l’âpreté des sentiments et l'acuité de leur analyse. Mais ces influences se confondent en un alliage original. Tous les acteurs parlent d'une langue subtil et baroque, émaillée d'anachronisme, servie par une diction à la fois distanciée et solennelle. Ils font les liaisons, disent "Bonne nuit-t-à-demain", comme des enfants récitant leur premiers poèmes. A cette singularité s'ajoute celle du filmage, en champs-contrechamps stricts et dépouillés comme on n'en voit plus guère ou à partir de fragments de corps expressifs (les pieds surtout), saisis en gros plans. Quand à la manière de figurer tel lieu ou tel événement historique, elle est pour le moins euphémique : une sirène de police au loin pour New-York, un œuf sur le casque d'un CRS pour mai 68, etc. Ces choix auraient pu n'aboutir qu' à un exercice de style dandy et vaniteux. Toutes les nuits est le contraire de cela, et la preuve que l’hyperstylisation peut parfois conduire droit à la vérité des sentiments. Sans doute parce que, sous une forme savante, Eugène Green carbure au pur romanesque. Les trajectoires parallèles de Jules et d'Henri et leurs échanges de lettres revoient à un très beau thème littéraire : l'opposition entre la vie rêvée et la vie vécue, entre les déceptions de celui qui va de l'avant et les regrets de celui qui reste en arrière. le personnage le plus important du film est celui d'Émilie, plus âgée que les garçons, aussi charnelle que spirituelle, elle sera la première maîtresse d'Henri, puis l'âme sœur de Jules - mais uniquement à distance épistolaire -, et assurera, pour toujours, la médiation entre les deux. On peut chicaner. juger désinvoltes l'évocation de 68 et la satire antiféministe. Regretter un épilogue un peu moins aérien que l'ensemble du film. Mais c'est peu de chose rapporté à la grâce de trois acteurs bouleversants - Christelle Prot, Adrien Michaux et Alexis Loret - qui emmènent leurs personnages au-delà du croisement des lignes de vie, vers une mystique de l'amitié et de l'amour." Louis Guichard, Télérama, mars 2001
"Pour ce faire une idée du style d'Eugène Green, il faut imaginer un croisement de Bresson, de Rohmer et d'Eustache. Du premier, on retrouve notamment la direction d'acteurs antinaturaliste ; du deuxième, la malice, la préciosité et le goût du discours amoureux ; du troisième, l’âpreté des sentiments et l'acuité de leur analyse. Mais ces influences se confondent en un alliage original. Tous les acteurs parlent d'une langue subtil et baroque, émaillée d'anachronisme, servie par une diction à la fois distanciée et solennelle. Ils font les liaisons, disent "Bonne nuit-t-à-demain", comme des enfants récitant leur premiers poèmes. A cette singularité s'ajoute celle du filmage, en champs-contrechamps stricts et dépouillés comme on n'en voit plus guère ou à partir de fragments de corps expressifs (les pieds surtout), saisis en gros plans. Quand à la manière de figurer tel lieu ou tel événement historique, elle est pour le moins euphémique : une sirène de police au loin pour New-York, un œuf sur le casque d'un CRS pour mai 68, etc. Ces choix auraient pu n'aboutir qu' à un exercice de style dandy et vaniteux. Toutes les nuits est le contraire de cela, et la preuve que l’hyperstylisation peut parfois conduire droit à la vérité des sentiments. Sans doute parce que, sous une forme savante, Eugène Green carbure au pur romanesque. Les trajectoires parallèles de Jules et d'Henri et leurs échanges de lettres revoient à un très beau thème littéraire : l'opposition entre la vie rêvée et la vie vécue, entre les déceptions de celui qui va de l'avant et les regrets de celui qui reste en arrière. le personnage le plus important du film est celui d'Émilie, plus âgée que les garçons, aussi charnelle que spirituelle, elle sera la première maîtresse d'Henri, puis l'âme sœur de Jules - mais uniquement à distance épistolaire -, et assurera, pour toujours, la médiation entre les deux. On peut chicaner. juger désinvoltes l'évocation de 68 et la satire antiféministe. Regretter un épilogue un peu moins aérien que l'ensemble du film. Mais c'est peu de chose rapporté à la grâce de trois acteurs bouleversants - Christelle Prot, Adrien Michaux et Alexis Loret - qui emmènent leurs personnages au-delà du croisement des lignes de vie, vers une mystique de l'amitié et de l'amour." Louis Guichard, Télérama, mars 2001
Séances
mercredi 9/03 14:30 - - jeudi 10/03 18:15
> Rétrospective Eugène Green proposée à l'occasion du festival Atlantide, Les Mots du Monde à Nantes-Festival des littératures du 10 au 13 mars 2016, organisé par le lieu unique et la Cité, le Centre des Congrès de Nantes. Plus d'informations sur www.atlantide-festival.org
> Rétrospective Eugène Green proposée à l'occasion du festival Atlantide, Les Mots du Monde à Nantes-Festival des littératures du 10 au 13 mars 2016, organisé par le lieu unique et la Cité, le Centre des Congrès de Nantes. Plus d'informations sur www.atlantide-festival.org
