Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Une femme qui s'affiche (It should happen to you)


de George Cukor



RÉTROSPECTIVE GEORGE CUKOR • DÉCEMBRE 2012

USA, 1954, 1h26, VOSTF
avec Judy Holliday, Peter Lawford, Jack Lemmon, Michael O'Shea

Une femme qui s'affiche (It should happen to you)
Gladys Clover, mannequin sans emploi et un brin mégalo, dépense ses dernières économies pour louer un panneau publicitaire à Columbus Circle, où elle fait écrire son nom en lettres gigantesques. En quelques jours, les murs de New York sont envahis de photos d'elle. Qui est cette mystérieuse jeune femme ? Que veut-elle ? Très vite, sans rien faire d'autre, elle devient la coqueluche de la ville... L'autodérision subtile de Jack Lemmon et la verve railleuse de George Cukor illuminent cette fable satirique sur les ravages de la célébrité.


"Même si après-guerre l’époque des grâces semblait définitivement révolue, Katarine Hepburn étant devenue épouse Tracy, les romanichels, milliardaires ou pas, s’étant dispersés dans la nature pour laisser place à des sédentaires vivant en couple et travaillant, il ne faudrait pas pour autant conclure à un enlisement bourgeois de George Cukor. Car si, sur le papier, Une Femme qui s’affiche a tout de la fable édifiante stigmatisant la publicité et le sentiment de déréalisation qu’elle génère, on reconnaîtra que le film, très ambigu, se laisse retourner comme un gant et qu’il trouve ses beautés sur un tout autre plan que celui de la morale. Ici, deux hommes se disputent la même femme : Peter Lawford est le saligaud de publicitaire, le corrupteur des âmes pures, et Jack Lemmon est le gentil documentariste fauché qui chérit l’anonymat. L’un est très clair et nous émeut lorsque, torturé par ses pulsions érotomanes, sa sensualité douloureuse, il est prostré sur le lobe indifférent de Gladys. L’autre est louche, avec cet amour transi qu’il porte comme une croix, dissertant sur les braves gens et les choses réelles pendant qu’il tisse la toile d’araignée où Gladys sera piégée. Celle-ci, Judy Holliday, est complètement timbrée puisqu’elle ne rêve que de voir son nom s’étaler en lettres géantes sur les panneaux publicitaires ­ pas même son image, juste son nom. Cukor, qui n’est pas là pour faire des sarcasmes, se laisse fasciner par la névrose de son héroïne, inébranlable au fond de son aberration. Ses personnages n’ont de rapport au monde que le désir qui les active, et si celui de Gladys est morbide, un peu comme de vouloir se regarder mourir, il est irréductible. Dès lors, il ne s’agit plus tellement pour Cukor d’un problème de valeur mais d’un jeu de désirs qui se hiérarchisent selon leur force. Ces désirs qui se contrecarrent, qui n’arrivent jamais à être possibles ensemble, font le caractère simultanément joyeux et dramatique des comédies de Cukor. Cette foire d’empoigne se résout d’une manière navrante et improbable puisque Gladys, qui gravitait dans les sommets du narcissisme et qui avait trouvé dans la contemplation de son nom un moyen de jouissance infaillible, part avec le documentariste, victorieux par inoculation de mauvaise conscience. Il fallait pourtant bien sortir ces gens de l’impasse où ils étaient acculés et pour lesquels on ne savait même plus quoi espérer. Dans la magnifique séquence d’ouverture à Central Park on voyait déjà bien que Gladys, tout accaparée par ses rêves, était vulnérable alors que le cinéaste était aux aguets. Le désir de Lemmon l’emporte parce que, s’il est réactionnaire, triste et qu’il se réalise au prix du renoncement de Gladys, il n’en est pas moins le seul à n’être pas autodestructeur, à assurer la survie. Une Femme qui s’affiche est un film consternant."
Dominique Marchais, Les Inrockuptibles

Séances

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