KENJI MIZOGUCHI • MAI-JUIN 2023
LES AMANTS CRUCIFIÉS
Peu de cinéastes nous aurons donné avec une netteté aussi indiscutable le sentiment de ce que signifie "mettre en scène" portant même la valeur de ce terme parmi les cimes les plus élevées du cinéma. Si la vision de Mizoguchi semble placée sous le sceau d'une réalité irrémédiable et de son écoulement sans fin, le secret de sa mise en scène aura été de faire affleurer l'exact point de révélation de résistances au cours inflexible des choses pour traquer jusqu’à son extinction la moindre hypothèse d’une réconciliation entre l’homme et le monde. Il faut s’attacher à ce qui reste pendant que c’est là, dans le présent du plan, dans sa durée. Mettre en scène n'a pour Mizoguchi qu’une unique signification : devenir synonyme de la nature véritable de l’homme. Et si ses films sont autant de noms et d’allusions aux femmes, ils ne sont point motivés par le seul souci d’exprimer à leur égard une forme de compassion mais parce qu’à travers leurs destinées, l’homme est dévoilé, mis à nu. L'habileté sidérante d'un plan séquence, la composition raffiné d'un cadre ne relèvent chez Mizoguchi d'aucune autosatisfaction ni flagornerie. L’artifice n’a d’autre visée de que de défaire le jeux des apparences pour exposer sa brutalité.
Mercredi 24 mai 2023 à 18:45 (entrée libre) • conférence de Jérôme Baron, co-président du Cinématographe et directeur artistique du Festival des 3 Continents.
