Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Fahrenheit 451


de François Truffaut



INTÉGRALE FRANÇOIS TRUFFAUT • FÉVRIER-MARS 2016

France-G.B, 1966, 1h52, VOSTF
avec Oskar Werner, Julie Christie, Cyril Cusack
NUM

Fahrenheit 451
Dans ce pays, les pompiers sont là pour brûler les livres, tous interdits ; mais un pompier est pris de doute... Seul film de Truffaut tourné avec des techniciens anglais, en anglais, une langue qu’il maîtrisait mal, ce qui le mit mal à l’aise. Le projet, adapté d’un roman de Bradbury, fut très difficile à monter, mais Truffaut tenait à tourner ce versant noir de sa passion pour la littérature. Il ne cachait pas son peu de goût pour la science fiction cinématographique et ses effets spéciaux : d’où sa volonté d’ancrer l’action dans des décors réels avec des éléments d’anticipation prévisibles - le rôle de la télé. Le choix de demander à Bernard Herrmann de composer la musique ajoute une dimension hitchcockienne à l’action. Un film unique dans son œuvre.

"Adaptation dépouillée d'un roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451 plonge le futur dans une grisaille très contemporaine. Décors frileux et visages blêmes suscitent une impression de familiarité bien plus angoissante que toutes les bébêtes d'Alien réunies en congrès. Privés de culture, prompts à la délation, les personnages sont comme privés d'eux-mêmes, mornes fantômes aux dialogues engourdis. Dès lors qu'il ne crée plus, le langage est mort vivant. Truffaut s'en prenait là au plus redoutable aspect de la dictature : retirer aux citoyens leur supplément d'âme. Mais il attaquait aussi les censeurs d'avant 1968 - ne voit-on pas brûler une image d'Anna Karina, la religieuse scandaleuse de Jacques Rivette ? Aujourd'hui, les silhouettes erratiques de Julie Christie et d'Oskar Werner ont peut-être un peu vieilli. Le propos - la télévision aliénante, l'abrutissement des foules comme instrument de pouvoir - ­reste, lui, d'actualité." Cécile Mury, Télérama

"Adapté du roman éponyme de Ray Bradbury ( paru en 1953, en plein maccarthysme), Fahrenheit 451 restera comme l’unique incursion de François Truffaut dans la science-fiction. Le cinéaste n’appréciait guère le genre mais aimait passionnément les livres. Convaincu par le thème d’une œuvre où le livre devient le dernier rempart d’une civilisation endoctrinée, Truffaut, après de nombreuses difficultés de production, finit par tourner le film en Grande-Bretagne avec une distribution anglaise. « Il s’agit de traiter une histoire fantastique avec familiarité, en rendant banales les scènes trop étranges et anormales les scènes quotidiennes » confiait le réalisateur aux Cahiers du Cinéma.
Ainsi sa caméra nous transporte subtilement « ailleurs » sans pour autant nous dépayser. Dans cette atmosphère à mi-chemin entre réel et irréel, seuls quelques gadgets (l’aérotrain, l’écran mur, la caserne…) introduisent discrètement l’étrangeté futuriste. C’est aussi la première fois que le cinéaste utilise la couleur, donnant ainsi aux scènes d’autodafés, où les livres souffrent et se tordent dans les flammes, une intensité particulière. Sur fond de musique « hitchcockienne », composée par Bernard Herrmann ( auteur favori du grand maître de l’intrigue), Truffaut parvient à créer une tension et à nous tenir en haleine jusqu’à au dénouement, magistral, de ce conte philosophique : entré en résistance, Montag, rejoint le groupe des « hommes livres » qui perpétuent la mémoire du monde, en apprenant par cœur les ouvrages interdits et en les transmettant inlassablement.
Une ruse sublime ! Véritable plaidoyer pour la résistance et contre toutes formes de tyrannies, le film est avant tout un hommage aux livres et à la liberté de les lire. Si on y retrouve les thèmes chers au cinéaste ( l’univers des enfants, les rapports de couple…), Fahrenheit 451 reste une oeuvre à part dans la filmographie de François Truffaut. Quant au roman de Bradbury, son titre inspira également Michaël Moore et son
Fahrenheit 9/11, preuve que le danger d’une pensée unique a changé de forme mais existe toujours. ARTE, François Truffaut, 2002

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