Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Putty Hill


de Matthew Porterfield



CINÉMA D'HIER ET D'AUJOURD'HUI • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011

USA, 2010, 1h25, VOSTF
avec Sky Ferreira, Zoe Vance, James Siebor Jr., Dustin Ray, Cody Ray
SORTIE NATIONALE

Putty Hill
Putty Hill, un quartier de Baltimore. Une voix off interroge un groupe d’ados… Leurs mots permettent de dessiner petit à petit le portrait d’un de leur ami, récemment décédé d’une overdose. Avec une approche extrêmement délicate, leurs histoires s’entremêlent pour former l’instantané d’une communauté américaine contemporaine, entre quotidien désenchanté et avenir fragile, loin d’un certain rêve américain.

« Putty Hill est un film dont le principal mérite est de démentir l’impression de déjà vu de son sujet. De quoi s’agit-il ? D’une réunion de famille qui se prépare à enterrer l’un des siens. D’une évocation de la middle class américaine. Mais Putty Hill ne se réduit pas à cela. Sa puissance d’évocation, sa poignante mélancolie (qui rappelle les nouvelles de Raymond Carver), l’originalité sidérante de certaines scènes (l’enterrement karaoké), la rigueur de son cadrage (qui rappelle les photos de Larry Clark et de Stephen Shore), son rythme sans complaisance, son absence de pathos, de misérabilisme, son élégance presque tchekhovienne, concourent à envoûter durablement son spectateur. Si le sujet semble renvoyer au cinéma de Gus Van Sant, son esthétique, elle, appartient pleinement à son auteur. La réussite de Putty Hill tient aussi à son refus de tout exotisme. On pourrait, en effet, se sentir loin de ces américains moyens aux mœurs rustres, caricaturales, mille fois ressassées. Pourtant il n’en est rien. Au-delà de nos différences culturelles, le spectateur européen finit par éprouver de l’empathie pour ces personnages. La force de Putty Hill, plus que de traiter son sujet, plus que de montrer la difficulté d’entamer un travail de deuil, est de suggérer, de donner à voir le territoire du non-dit. »
François Zabaleta, cinéaste (texte de soutien de l'ACID

« (…)L’une des notions fondatrices des Etats-Unis est celle de la frontière, physique ou humaine. Putty Hill l’interroge à la limite du documentaire : tout ce qui est montré est joué, et tout ce qui est dit est probablement vrai ; fut demandé aux comédiens de parler d’un proche, et la plupart, vivants dans le coin, avaient vraiment des amis décédés d’une OD... Portefield et Mintzer ne s’en cachent pas : leur part d’artifice, ces angles de vue particulièrement sophistiqués, est omniprésente. Elle s’accommode particulièrement bien des semi-improvisations des comédiens, participant de la totale honnêteté intellectuelle du film, qui ne vise qu’à capter le coeur d’une banlieue déboussolée. La même que celle que filme Gus Van Sant depuis Elephant (2003) ou Larry Clark depuis Ken Park (2003). La crudité en moins. (…) »

« Une élégie documentaire où les émotions fourmillent de sources inconnues.
(…) Pour son second long métrage, Matt Porterfield vient brouiller toutes les conventions. Le résultat est assez magnifique, maniant autant le malaise que des émotions plus positives voire délicates. Cette sensibilité s’exprime dans un parti pris très simple : on ne voit pas celui qui est mort (sauf sur une photo, pendant l’enterrement), mais on ressent au plus profond ce que son absence provoque chez ceux qui l’ont aimé. Certaines affichent leur désolation et leur chagrin face à la caméra, comme une blessure évidente ; d’autres l’enterrent en eux.
Au chantage lacrymal, à l’hystérie et à la complaisance, le cinéaste préfère toujours la pudeur et le silence, conservant une distance pleine de respect pour capter la vérité extatique, à la manière de Werner Herzog. Il esquive toute posture ramollie de précautions (pas de provic bidon ou d’afféteries), trouve la poésie là où personne ne la voit (le graffiti), privilégie la suggestion (l’essentiel n’est jamais dit). La substance, il faut la chercher dans la forme : le style qui passe du documentaire à la fiction, du scénarisé à l’improvisé, ne nuit pas à la compréhension et, sur un sujet mortifère et plombant, dégage une paradoxale sérénité. Comme si rien ne devait être formaté, surligné. Comme si la tristesse ne pouvait pas arrêter le temps. Comme si tout circulait avec fluidité, spontanéité et force vitale, sans interruption possible. Il y a bien un black-out dans la dernière partie, lorsque les personnages dépoussièrent, une nuit, les souvenirs du défunt en se rendant chez lui. Mais une fois qu’ils sortent de l’obscurité et reprennent la route, les lumières n(ont jamais paru aussi éblouissantes. »

Romain Le Vern, Excessif

Séances

Samedi 24 septembre 2011 à 17:00
Dimanche 25 septembre 2011 à 18:30
Mercredi 28 septembre 2011 à 20:30
Samedi 1 octobre 2011 à 19:00
Dimanche 2 octobre 2011 à 21:00


Vidéo